Introduction

La biophilie désigne l’affinité innée des humains pour la nature et les êtres vivants. En aménagement des espaces de travail, ce concept se traduit par l’intégration d’éléments naturels (plantes, lumière naturelle, vues sur l’extérieur, etc.) afin d’améliorer le cadre de vie des employés. De récentes études scientifiques suggèrent que de tels aménagements « biophiliques » peuvent avoir des effets positifs sur la santé, la bien-être et la performance des travailleurs​.

L’idée est qu’en réintroduisant de la biodiversité (par exemple une diversité de plantes ou d’éléments naturels) dans un milieu de travail principalement artificiel, on favorise un environnement plus sain et stimulant, pouvant accroître la qualité de vie au travail. Dans ce rapport, nous synthétisons les recherches récentes – notamment publiées dans des revues scientifiques – sur les effets de la nature au bureau, en nous concentrant sur des mesures objectives telles que la réduction du stress, l’amélioration de la concentration, l’impact sur la créativité ainsi que l’engagement et la productivité des employés.

Réduction du stress et bien-être psychologique

De nombreuses études confirment que le contact avec la nature en milieu professionnel contribue à réduire le stress et à améliorer le bien-être mental des employés. L’exposition à des éléments naturels est liée à des niveaux de stress psychologique plus bas et à une meilleure récupération physiologique après des facteurs de tension​.

En effet, les environnements contenant de la verdure ont un effet mesurable sur le corps : baisse de la pression artérielle, du rythme cardiaque et du taux de cortisol (hormone du stress), accompagnée d’une amélioration de l’humeur​ (pmc.ncbi.nlm.nih.gov).

Des expérimentations en contexte de travail confirment ces bienfaits. Par exemple, une étude japonaise a demandé à des employés de garder une petite plante sur leur bureau et de la regarder quelques minutes lors de pauses fatigue. Les résultats ont montré une diminution significative de l’anxiété après l’introduction de la plante, indépendamment de l’âge des participants ou du type de plante choisi​ (sciencedaily.com) . De plus, plus de la moitié des participants ont présenté un ralentissement du pouls en seulement 3 minutes d’interaction avec leur plante, indiquant un effet relaxant objectif​ (sciencedaily.com). Ces données scientifiques apportent une preuve tangible que même une touche de verdure au poste de travail peut induire une réponse de relaxation chez l’employé.

Par ailleurs, le simple fait d’avoir accès à un espace vert extérieur ou à une fenêtre donnant sur la nature peut contribuer au bien-être psychologique. Une revue systématique rapporte qu’une vue sur un paysage naturel depuis le bureau est associée à une réduction du stress perçu et à une meilleure santé déclarée​ (pmc.ncbi.nlm.nih.gov  pmc.ncbi.nlm.nih.gov).

Par exemple, chez des infirmières hospitalières, on a observé que celles disposant d’une vue sur l’extérieur voyaient plus souvent leur vigilance se maintenir ou s’améliorer au cours de la journée, alors que celles sans vue naturelle subissaient plus fréquemment une baisse d’état d’alerte​ (pmc.ncbi.nlm.nih.gov)  . Plus de 60 % des infirmières dont la vigilance s’est améliorée durant le travail avaient accès à la nature par une fenêtre, contre seulement 33 % de celles dont la vigilance a diminué​ (pmc.ncbi.nlm.nih.gov). Ces résultats suggèrent qu’un environnement biophilique au travail aide les employés à mieux récupérer du stress et à maintenir un bon niveau d’énergie mentale au cours de la journée.

Concentration et fonctions cognitives

L’intégration de la nature au bureau semble également bénéfique pour les fonctions cognitives des employés, en particulier la concentration et l’attention. La théorie de la restauration de l’attention (Attention Restoration Theory) postule que les environnements naturels « reposent » notre attention dirigée, ce qui se traduit ensuite par une meilleure capacité de concentration. Sur le plan empirique, plusieurs travaux soutiennent cette idée. Par exemple, une expérimentation contrôlée en environnement virtuel a comparé un bureau sans plante à un bureau rempli de plantes (sous forme de réalité virtuelle) : avec la présence de plantes, les participants ont obtenu de bien meilleurs scores à un test de mémoire de travail (rappel de chiffres en arrière) et ont commis moins d’erreurs dans des tâches mesurant l’attention​ (pmc.ncbi.nlm.nih.gov).

En d’autres termes, leur performance cognitive à court terme s’est accrue en condition « biophilique ». D’autres indicateurs objectifs vont dans le même sens : une méta-analyse de 2022 a conclu que la présence de plantes intérieures tend à améliorer les fonctions cognitives, notant par exemple une légère amélioration de la vitesse de traitement et de l’attention (bien que les effets sur ces mesures spécifiques n’atteignent pas toujours un seuil de signification statistique). Néanmoins, la tendance générale observée est un mieux cognitif en présence de nature, soutenant l’idée que la biodiversité au travail aide les employés à rester concentrés et efficaces mentalement.

Il est intéressant de noter que ces bénéfices peuvent s’observer même avec des expositions indirectes ou artificielles à la nature. Par exemple, la vue d’images de nature ou l’ajout de plantes virtuelles en réalité virtuelle a un effet mesurable sur l’attention. Cela souligne le potentiel des aménagements biophiliques (réels ou simulés) pour soutenir la concentration au travail, en particulier dans les bureaux où l’accès à la nature réelle est limité.

Créativité et innovation

Au-delà de l’attention, la créativité des employés peut elle aussi être stimulée par un environnement de travail incorporant la nature. Les espaces de travail biophiliques semblent favoriser un état d’esprit plus ouvert et imaginatif, propice à la génération d’idées nouvelles. Dans l’étude en réalité virtuelle mentionnée plus haut, non seulement la mémoire des participants s’améliorait avec des plantes, mais leurs performances à un test de créativité (épreuve d’utilisations alternatives d’un objet) augmentaient également de manière significative par rapport à la condition sans plante​.

Des recherches plus globales confirment cette influence positive. Une revue systématique centrée sur les activités en nature et la créativité au travail a conclu que les interventions biophiliques ont un impact bénéfique notable sur la créativité des employés​ . Par exemple, des pauses en plein air ou des exercices dans des espaces verts ont été associés à une augmentation de la pensée divergente (capacité à envisager de multiples solutions à un problème) et de la résolution créative de problèmes. Ces effets seraient dus en partie à la réduction du stress mental et à la restauration de l’attention procurées par le contact avec la nature, créant un état mental plus favorable à l’innovation.

Même dans des contextes de travail quotidiens, l’ajout d’éléments naturels peut stimuler la créativité de manière subtile. Une enquête internationale (« Human Spaces ») a ainsi rapporté que les employés travaillant dans des environnements comportant des éléments biophiliques se considèrent 15 % plus créatifs que ceux dans des bureaux dépourvus de nature​. Bien que ce chiffre provienne d’un rapport global (et non d’une étude de laboratoire contrôlée), il corrobore le fait qu’un cadre verdoyant est perçu comme inspirant et propice à la création.

Performance et productivité au travail

L’impact de la biophilie en milieu de travail se manifeste également sur la performance professionnelle et la productivité des employés. Plusieurs indicateurs, qu’ils soient objectifs (mesures de performance, rendement) ou subjectifs (auto-évaluation de la productivité, satisfaction de la hiérarchie), tendent à s’améliorer avec la présence d’éléments naturels.

Ainsi, l’étude de terrain menée aux Pays-Bas sur neuf entreprises a montré qu’après l’ajout de plantes dans des bureaux auparavant « nus », les employés ressentaient un environnement de travail de meilleure qualité et plus confortable, ce qui s’est traduit par une satisfaction accrue vis-à-vis de leur espace de travail et une baisse des plaintes liées à l’inconfort (air sec, maux de tête)​. Ce meilleur confort peut indirectement favoriser la productivité en réduisant les gênes physiques et la fatigue. Notons toutefois que dans cette étude, les effets directs sur des mesures comme la performance auto-évaluée ou le taux d’absentéisme n’ont pas été immédiatement observés sur quelques mois (pmc.ncbi.nlm.nih.gov ). Cela suggère que si les améliorations du cadre de travail sont rapides (quelques mois) grâce aux plantes, l’impact sur la productivité mesurable peut nécessiter plus de temps ou dépendre d’autres facteurs (par exemple, l’engagement durable des employés).

D’autres recherches fournissent des chiffres concrets sur l’augmentation de la productivité liée aux aménagements biophiliques. Le rapport international Human Spaces mentionné précédemment a estimé qu’une conception de bureau intégrant la nature pouvait accroître la productivité de l’ordre de 6 % en moyenne . De même, une expérience contrôlée appelée « Green versus Lean office » avait trouvé qu’un bureau agrémenté de plantes entraînait environ 15 % d’augmentation de la productivité (mesurée via des tâches de mémoire et de traitement de l’information effectuées par les employés) par rapport à un bureau sans aucune plante. Ces résultats rejoignent l’idée qu’un environnement plus agréable et stimulant pousse les employés à être plus efficaces et engagés dans leurs tâches quotidiennes.

Il convient de souligner que la quantité et la diversité de nature optimales font l’objet de recherches. Trop peu d’éléments naturels n’engendreront pas d’effet notable, mais à l’inverse une surabondance pourrait ne pas apporter de gains supplémentaires. Par exemple, une étude a exploré le « dosing » de verdure et suggère qu’un taux de verdure d’environ 12 % de l’espace de travail serait un optimum pour en retirer les bénéfices en termes de productivité et de bien-être, des proportions plus élevées n’apportant des effets positifs significatifs que jusqu’à un certain seuil​ . Cela sous-entend qu’il faut intégrer la nature de façon équilibrée dans la conception des bureaux pour maximiser l’impact sur la performance des employés.

Engagement, satisfaction et qualité de vie au travail

Enfin, la présence de biodiversité au bureau influence des facteurs plus globaux liés à la qualité de vie au travail, tels que la satisfaction des employés, leur engagement organisationnel et même leur santé globale. Les études organisationnelles indiquent que ces variables psychosociales bénéficient de l’intégration d’éléments naturels dans l’environnement de travail​ . En d’autres termes, un bureau « vert » ne profite pas qu’aux tâches ponctuelles, il contribue aussi à créer un climat de travail dans lequel les employés se sentent mieux, plus impliqués et potentiellement plus fidèles à l’entreprise.

Concrètement, des travaux ont montré que plus un employé est exposé à la nature au travail (par ex. plusieurs plantes, vue sur un jardin, lumière du jour), plus sa satisfaction professionnelle tend à être élevée​ . L’étude de An et al. (2016) citée dans une revue a ainsi trouvé une corrélation positive entre le niveau d’éléments naturels dans le bureau et la satisfaction au travail ainsi que lengagement organisationnel de ces employés​  . De même, Shin (2017) a observé que les employés ayant une vue sur la forêt depuis leurs fenêtres de bureau déclarent une satisfaction au travail supérieure et un niveau de stress moindre que ceux sans vue naturelle​ . Ces effets sur la satisfaction et l’engagement peuvent s’expliquer par le fait qu’un environnement de travail agréable, esthétique et proche de la nature répond aux besoins humains fondamentaux, ce qui améliore le moral et le sentiment d’appartenance.

Par ailleurs, en réduisant le stress et en améliorant le bien-être mental, les aménagements biophiliques peuvent indirectement se traduire par une diminution de l’absentéisme et une meilleure santé des employés sur le long terme. Certaines études à long terme notent, par exemple, une baisse des congés maladie dans les bureaux avec plantes comparés à ceux sans plantes, possiblement grâce à une réduction des symptômes liés au “syndrome du bâtiment malsain” (air vicié, irritations, fatigue)​ . Tout cela contribue à une qualité de vie au travail améliorée : les employés ressentent plus de plaisir à venir travailler, trouvent leur environnement plus convivial et établissent parfois plus d’interactions positives (la présence de plantes pouvant servir de point d’intérêt commun, améliorant le climat social).

En somme, l’engagement des employés – c’est-à-dire leur investissement volontaire dans leurs missions et leur attachement à l’entreprise – paraît renforcé par un cadre de travail proche de la nature. Les organisations qui adoptent des principes de conception biophilique constatent souvent une amélioration de divers indicateurs RH, notamment la motivation, la satisfaction et même la rétention du personnel​ . Il s’agit donc non seulement d’effets sur l’individu (réduction du stress, etc.), mais aussi d’effets à l’échelle de l’entreprise en termes de climat de travail et de culture organisationnelle positive.

Conclusion

Les recherches scientifiques récentes convergent vers un constat clair : introduire de la nature et de la biodiversité dans les espaces de travail contemporains apporte des bénéfices mesurables aux employés comme aux organisations. Des mesures objectives (physiologiques et cognitives) aux indicateurs subjectifs (ressenti de bien-être, satisfaction), la présence d’éléments biophiliques contribue à un environnement de travail plus sain, stimulant et productif. On observe notamment une réduction du stress (baisse de l’anxiété, du cortisol, du rythme cardiaque), une amélioration de l’attention et des capacités cognitives (meilleure concentration, vigilance accrue), une stimulation de la créativité, ainsi qu’une influence positive sur la productivité et l’engagement des employés​ (sciencedaily.com, gensler.com, pmc.ncbi.nlm.nih.gov ) . Ces effets, bien que variant selon le contexte et la dose de nature introduite, suggèrent que les principes de la biophilie peuvent contribuer à des espaces de travail à la fois performants et humanisants.

Du point de vue pratique, les entreprises ont tout intérêt à envisager des aménagements incorporant la nature – qu’il s’agisse d’installer des plantes variées, de maximiser la lumière naturelle, de proposer des espaces verts accessibles ou même d’intégrer des éléments naturels virtuels. Les études appliquées en milieu professionnel indiquent que ces initiatives peuvent améliorer le bien-être quotidien des employés (moins de fatigue, cadre plus agréable) et potentiellement leur performance sur le long terme​ pmc.ncbi.nlm.nih.gov . En créant un environnement de travail aligné sur nos besoins biophiliques, on favorise non seulement la santé des collaborateurs, mais aussi un cercle vertueux de motivation, de créativité et d’engagement au sein de l’organisation – autant de facteurs qui, au final, rejaillissent positivement sur la qualité de vie et la réussite collective.

Références : Les données et exemples cités proviennent des études scientifiques et revues récentes suivantes : Almeida et al. (2023)​

, Gensler (2022)​gensler.com

, Toyoda et al. (2019)​ sciencedaily.com,sciencedaily.com

, Charisi et al. (2023)​mdpi.com,mdpi.com

, Nejati et al. (2016)​ pmc.ncbi.nlm.nih.gov

, Shin (2017)​ pmc.ncbi.nlm.nih.gov

, Pati et al. (2008)​ pmc.ncbi.nlm.nih.gov

, et d’autres travaux compilés dans des revues systématiques récentes​ ,pmc.ncbi.nlm.nih.gov, Ces sources concordent sur l’importance d’intégrer la nature en milieu de travail pour promouvoir le bien-être des employés et leur performance. Les écarts observés entre certaines études (par ex. impact direct sur la productivité mesurée à court terme) soulignent la nécessité de recherches supplémentaires, mais la tendance générale appuie fortement le rôle bénéfique de la biophilie au travail.

Pour avoir une version synthétique du sujet : https://wp.me/p7LcZ9-Yy .
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